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Sion-Vallorbe vu du train
- Réflexions personnelles sur un voyage en Suisse-
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C'était dimanche, sur la fin d'après midi. Il avait fait beau toute la journée, une belle journée d'automne ensoleillée, un peu fraîche. Le train est parti de la gare doucement, tout tranquillement. C'était un vieux train de banlieue, avec des banquettes très larges où on est assis face à face. A côté de nous il y avait deux vieilles dames habillées comme dans les années 50, qui discutaient en allemand, je ne comprenais rien, sauf quand elles regardaient le paysage et que l'une disait "schön, sehr schön!", tandis que l'autre répondait "ja, ja...". Je les ai vite oubliées, et moi aussi j'ai regardé par la fenêtre.
C'est vrai que c'est beau. Le train avançait dans une vallée, il y avait des montagnes des deux côtés. Ce sont d'immenses rochers pointus qui déchirent le ciel : ce qui me fascine le plus, c'est que les nuages s'accrochent dedans, ils s'y effilochent comme du coton sur un morceau de bois. Pour quelqu'un qui serait en haut de la montagne, il pourrait marcher dans le nuage : marcher dans un nuage c'est possible! C'est comme si on pouvait toucher le ciel. On pense qu'on pourrait le toucher, mais c'est impalpable, c'est comme du brouillard; le matin de ce jour-là, au chalet où on avait dormi, à 1500 mètres d'altitude, j'avais bien vu le brouillard en sortant dans le jardin, où j'ai pris des pommes de pin, à ce moment-là je ne m'en rendais pas compte, j'ai juste pensé au brouillard, et ce n'est que le soir dans le train que j'ai compris que moi aussi j'avais marché dans un nuage.
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Autre chose qui est très fascinant : on voit aussi très bien comment les montagnes se sont soulevées de terre, par gros morceaux penchés tous du même côté, avec des cassures bien nettes, et les différentes couches de roche apparaissent très distinctement, on dirait d'immenses caillous posés de travers sur la terre. Parfois ce n'est que de la roche, où rien ne pousse, parfois, à des endroits moins abrupts, ou plus abrités, de la terre a du venir s'installer au fil du temps car des arbres ont poussé : des pins, des sapins souvent, mais il y a d'autres arbres. Les arbres sont plutôt en hauteur, juste en dessous des neiges éternelles : ces petits chapeaux blancs sur les sommets, il n'y en pas sur chaque, mais tout de même c'est assez fréquent.
Parfois il y a une cascade, on voit l'eau jaillir du haut et retomber en gros bouillons beaucoup plus bas... Du train, je n'entendais rien, mais j'imagine que ça fait un bruit assourdissant, qu'on ne doit plus s'entendre quand on est à côté.
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La moitié plus basse des montagnes n'est plus du tout sauvage, au contraire complètement domestiquée, et pas un pouce de terrain n'est laissé à l'abandon : sur les versants nord qui sont orientés au sud, c'est-à-dire les versants qui reçoivent le plus de soleil dans la journée, ce sont des vignes qui s'alignent en petit carrés bien sages et bien rangés. On fabrique un vin en Suisse : ils l'appellent "Fendant", c'est un petit vin blanc légèrement pétillant... Quand la pente de la montagne est trop forte pour cultiver, ils ont aménagé en plateaux, les cultures sont du coup sur plusieurs étages... Je me demande comment ils font pour passer avec leurs tracteurs, sans doute à certains endroits ils ne peuvent pas et doivent tout faire à la main et à pied.
A d'autres endroits, ce sont des pâturages : il y a des vaches, comme la vache de Milka sauf qu'elles ne sont pas violettes, avec des cloches autour du cou. Du train, à vrai dire je n'entendais pas les cloches, mais la veille, en arrivant, on était venu nous chercher en voiture à Lausanne et juste à la sortie de la ville il y avait déjà des pâtures avec des troupeaux de vache : là j'avais bien entendu leurs cloches...
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Sur ces versants cultivés, il ya très peu d'habitations : la place semble comptée, on ne peut pas gaspiller 100 m² de terrain cultivable pour y construire une maison...
Alors les habitations sont dans la vallée et sur l'autre versant, celui qui reçoit moins de soleil (versant sud orienté au nord ???). Traditionnellement, ce sont des chalets. L'architecture est différente des maisons que nous avons l'habitude de voir ici : d'abord ce n'est jamais de la brique, plutôt des parpaings recouverts de ciment peint, ou de bois verni ou peint. Pour les chalets de bois, les couleurs les plus fréquentes sont les bois naturels avec des volets et des portes en vert sapin, ou le bois noir avec les volets rouges; il est vrai que de temps à autre un "excentrique" a personnalisé son décor autrement, en mettant du jaune par exemple, néanmoins il aura veillé à rester dans un bon goût classique... Autre grande différence, le toit à deux pentes est posé dans l'autre sens, une pente à droite et une pente à gauche au lieu de une pente devant et une pente derrière comme par ici, et les façades sont bien plus larges. Très souvent ils ont rajouté des décors en bois découpé comme de la dentelle sur les bords des toits, autour des fenêtres, sur les balcons... Et bien entendu, sur tout chalet qui se respecte, à chaque fenêtre il y a des bacs de géraniums, pour mettre des touches de couleur : de vrais décors de cartes postales! On s'imagine facilement entrer dans un de ces chalets, être accueilli à bras ouverts et en allemand par une grosse dame en costume ( des tresses blondes, un petit gilet noir sur une blouse blanche, une grande jupe brodée et un ruban avec une petite médaille autour du cou) qui va servir du café et du kouglof dans une grande salle en bois avec un feu de cheminée qui sent la sève de pin.
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Autour de chaque maison, chaque petit jardin est tiré au cordeau comme il se doit, les allées bien droites, la pelouse bien tondue, la haie bien taillée, les fleurs bien soignées; les nains de jardins bien proprets font semblant de pousser des mini brouettes fleuries, les petits moulins à vents ont des ailes qui tournent pour de vrai, et certains habitants ont installé un mât où flotte un drapeau suisse... Dans un tel environnement, pas un brin d'herbe n'ose pousser de travers...
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Mais pendant que j'observais tout ça, le train est arrivé à Lausanne : c'est une grande ville... Juste le temps de faire un tour autour de la gare, au kiosque à journaux on vendait plutôt cher un tas de choses inutiles, des petites cloches de vaches, des imitation de couteaux suisses, des verres décorés de vaches... Beuh... Je n'ai eu envie de rien... et je suis montée dans le TGV, et j'ai de nouveau regardé le paysage. En fait deTGV, il ne roulait pas à sa vitesse habituelle, si bien qu'entre Lausanne et Montreux, j'ai eu droit à un nouveau spectacle cette fois-ci plus proche.
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En fond, à droite, rien de changé, toujours des montagnes comme je t'ai décrit avant. A gauche, je ne l'ai pas vu tout de suite parce que j'étais assise à droite et je regardais de mon côté de la fenêtre, pourtant il était bien là, le lac. Immense, on n'en voyait pas le bout, on dirait une mer, tout calme, brillant comme de l'argent avec le soleil du soir et mouvant. Les montagnes qu'on voyait de l'autre côté avaient l'air noyées dans un brouillard bleu, plus loin. Juste sur les bords du lac il y avait des villas somptueuses, des genres de petits châteaux avec des créneaux et des tours, des petits parcs avec des espèces de palmiers. La plupart doivent être des hôtels. Le train passait tantôt tout au bord de l'eau, tantôt plus loin, si bien que les belles villas étaient parfois à droite, parfois à gauche, certaines je les ai vues de très près : plus rien à voir avec les chalets!
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Des grandes bâtisses, évidemment impeccables, des façades décorées comme dans les contes de fées des livres d'enfant, des couleurs pastels, des balcons, des terrasses avec du mobilier de jardin, des palmiers dans des pots, des grandes fenêtres avec des doubles rideaux... J'aurais voulu pouvoir regarder à l'intérieur, mais le train même s'il n'allait pas vite allait quand même trop vite pour ça...
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J'imagine des maîtres d'hôtel très sérieux en tenue, des femmes de chambre en robe noire avec un petit tablier blanc, des messieurs ventripotents avec des gros cigares, l'air très affairé, des dames élégantes à l'accent américain qui traînent des petits chiens insupportables, et les chaussures qu'on laisse à la porte de la chambre pour qu'elles soient cirées par le personnel...
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Quand le train s'est éloigné du lac, j'ai retrouvé le spectacle d'avant, les petites villes, les chalets, moins de vignes mais plus de vaches, toujours des maisonnettes impeccables, des petits jardins bien nets, j'y ai même vu dans un arbre deux pies qui discutaient ferme, -tout le monde sait que les pies sont bavardes - avec leurs plumes comme un habits noir et blanc, et leur grande queue : je ne pouvais pas entendre ce qu'elles se disaient, dommage!
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Un peu plus loin, il y a eu un contrôle de police dans le train : en fait de police, c'était des douaniers français qui interrogeaient tout le monde : Vigie-Pirate, je suppose. Ils demandaient d'abord de quelle nationalité nous étions, tous ceux qui répondaient "française" , on les laissait tranquilles, les autres devaient montrer leur papiers... et puis c'est tout, le contrôleur suisse est venu poinçonner nos billets, et nous sommes arrivés à la frontière à Vallorbe, il commençait à faire sombre, je ne voyais plus grand chose et ce n'était plus la Suisse, quelqu'un a allumé les lumières dans le train, j'ai repris ma broderie pour ne pas m'ennuyer en attendant Paris, et voilà...
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Les nuages s'accrochent aux sommets des montagnes...
Les chalets de bois, habitations traditionelles...