En patientant devant l'entrée d'un musée, entre autres illustrations, figure un affiche de type 1900 représentant une belle jeune femme sur fond de Mont Saint Michel, avec pour commentaire "La fée des Grèves, Paul Féval". "Un roman, sans doute," se dit-on. "Ce serait bien de se l'offrir...". Plus tard, dans un second musée, une peinture fanée, représentant dans un autre style toutefois une belle jeune femme sur fond de Mont Saint Michel, intitulée aussi "La fée des Grèves". "Tiens," se dit-on encore, "Une légende, sans doute le roman est-il bâti sur cette histoire, j'aimerai vraiment en savoir plus..." .

Mais, las, pas d'exemplaire de la Fée des Grèves à l'unique librairie du village, trop spécialisée et bien loin de ces futilités, aucune information précise ni auprès des employés des musées, ni de l'office de tourisme, ni des vendeurs de souvenirs, ni des personnels de restaurants et d'hôtels... Personne sur le Mont Saint Michel ne semble connaître la Fée des Grèves, sauf à répondre "Mais oui ! Bien sur ! C'est le magasin en haut de la rue principale !" Effectivement, un magasin de souvenirs porte bien ce nom-là, dont l'enseigne représentant la Fée semble sortie tout droit des "studios Mickey", mais, là non plus, pas d'explications sur les raisons profondes de ce choix...

L'enquête dura deux jours, confinée sur le Mont, à l'affût de la moindre information pouvant éclairer sur cette Fée, dont on fit un roman, sans doute puisque y était associé le nom de Paul Féval. Mais était-il donc si mal écrit que tout le monde l'ait oublié aujourd'hui ? Voilà qui serait étonnant, de la part de Paul Féval... Rien à faire, aucun des trois indices ne mena à une piste concrète.

Qui était cette fée? Une bonne fée ? Les représentations d'elle la font jolie, mais néanmoins peut-être était-elle méchante ? Est-ce qu'elle ensablait les voyageurs imprudents, ou au contraire les sauvait-elle? Et quoi d'autre ? Une amie de la Mère Poulard, peut-être ? (hihihi, non ça c'est pour rire...) ? Décidément, personne sur le Mont ne la connait... Aurait-elle, voulant se retirer en paix et ne plus être importunée, d'un coup de sa baguette magique effacé son souvenir de la mémoire des habitués du Mont ? Quelle autre explication?

La solution du mystère vint de la terre ferme : en quittant le Mont, droit devant, on arrive à Pontorson. Là, en plein centre, près de la mairie, une échoppe de bouquiniste et galerie d'art, "Arts'Tanis", présentait en vitrine parmi d'autres trésors empoussiérés un exemplaire relié de la Fée des Grèves, une jolie édition "Marc Barbou"... Aaahhh ! la voilà donc cette Fée des Grèves mystérieuse, elle n'a donc pas réussi à disparaitre tout à fait. Le bouquiniste, lunettes sur le bout du nez et barbe en bataille, très érudit par ailleurs et passionné de son métier, rit de notre quête, car dit-il nous ne pouvions trouver sur le Mont que des boules à neige et des tours Eiffel dorées en plastique destinées aux Japonais qui n'ont pas le temps de descendre du car à Paris, certainement pas un ouvrage relatif à la culture littéraire, fut-elle locale... Ce qu'il déplore d'ailleurs, suggérant d'installer parmi les marchands de souvenirs un brocanteur, et quelques métiers d'artisanat local, par exemple des dentellières et des tapissiers, pour donner au lieu une réelle authenticité... Bonne idée, non ?

Enfin, de retour à la maison et remis la main sur Internet, une petite recherche a permis de retrouver quasi instantanément "la Fée des Grèves", édition en livre de "presque poche", aux Éditions l'Ancre Marine... Il va falloir leur dire, à ceux du Mont Saint Michel.